Janvier : au gui l’an neuf !
Cette expression, que certains utilisent encore pour marquer le jour de l’an, aurait peut être une racine celtique en étant une possible déformation de l’expression « o ghel an heu », expression clamée par les druides occupés à couper le gui sacré sur une branche de chêne, et qui signifie en fait : « que le blé germe ! ».
Cette curieuse plante est souvent associée aux fêtes de fin d’année, sans doute parce qu’elle fructifie en plein solstice d’hiver, mais aussi en rapport avec des pouvoirs plus ou moins légendaires qui lui étaient attribués, que ce soit dans le domaine médical (immunité contre certains poisons) ou autres : par exemple, un baiser échangé sous le gui serait un présage de bonheur et de longévité !
D’un point de vue scientifique, on dit que cette plante est un hémiparasite, c’est-à-dire qu’elle est plus ou moins capable d’assurer ses fonctions vitales de façon autonome grâce à sa chlorophylle, mais qu’elle est en fait dépendante d’un autre végétal (un arbre en l’occurrence) pour se nourrir et se reproduire. Les arbres qui lui servent de support sont le plus souvent des peupliers et des pommiers, mais aussi des tilleuls, robiniers, aubépines, etc…
Mais curieusement, c’est rarissime chez le chêne, ce qui expliquerait les vertus magiques de ce genre de situation exceptionnelle.
En fait, le gui émet des suçoirs qui viennent pomper une partie de la sève de la branche, l’affaiblissant ainsi de façon plus ou moins importante suivant le cas.
Mais comment diable une graine de gui a-t’elle pu arriver sur la branche du malheureux pommier ? Pour le comprendre, il faut d’abord faire référence au nom latin du gui « viscum album » (album = blanc et viscum = visqueux ou gluant). Chacun a pu remarquer l’aspect visqueux des baies blanches qui enrobent les graines quand on écrase ces fruits entre les doigts. Et il existe un oiseau qui a la même racine latine : il s’agit de « turdus viscivorus », ce qui signifie : « la grive qui mange des fruits visqueux » ; il s’agit de la grive draine, la plus grosse des quatre grives de nos régions en hiver.
Après avoir goulument avalé force baies de gui, notre grive s’envole vers d’autres arbres pour une petite digestion bien méritée, mais le noyau résiste aux sucs digestifs, et quelques heures plus tard, il est rejeté avec les fientes de l’animal (ainsi qu’une partie de la glu) sur une autre branche, ce qui va permettre à la graine de s’y coller et d’y germer, assumant ainsi la dissémination de l’espèce ; encore un bon exemple d’association à bénéfice réciproque, autrement dit du gagnant-gagnant !
A signaler que la fauvette à tête noire consomme aussi la chair des fruits du gui, mais sans avaler la graine, et que les sitelles ou mésanges parviennent à casser cette graine grâce à leur bec plus puissant que celui des fauvettes.
Toutes les touffes de gui ne produisent pas de baies, car il y a des touffes mâles et des touffes femelles séparées ; donc une touffe qui ne possède pas de baies en hiver est une touffe qui n’avait que des fleurs femelles (floraison en mars-avril).
Si l’on ne croit plus beaucoup aux vertus que les druides attribuaient jadis au gui, la médecine moderne ne s’en désintéresse pas totalement, car la plante possède plusieurs propriétés, notamment en oncologie, ou elle est utilisée dans certains cas de cancers (sein par exemple), pour améliorer la prise en charge de patients ayant dû subir de lourds traitements (chimiothérapie par exemple). Il y a aussi des indications semblables en médecine vétérinaire (chiens et chats notamment). Mais attention, les baies absorbées telles quelles sont toxiques, provoquant notamment des troubles digestifs et même cardiaques qui peuvent être relativement importants !
Yves Thoron